MARTIN PRIMEAU, COLLABORATION SPÉCIALE La Presse – Bien que certains de leurs projets entrent directement en compétition, les entreprises canadiennes et russes de l’industrie de l’aérospatiale pourraient accroître leurs collaborations au cours des prochaines années.
C’est le souhait que fait l’Association d’affaires Canada Russie Eurasie (AACRE), un organisme qui cherche à bâtir des ponts entre les communautés d’affaires de l’ex-Union soviétique et du Canada. Pour mener à bien sa mission, il organisera le 6 décembre à Ottawa une première conférence dans le cadre du sommet canadien de l’aérospatiale.
«La relation de confiance entre les deux pays n’est pas à son maximum», explique Sébastien Dakin, directeur régional du bureau montréalais de l’AACRE et principal organisateur de la conférence, qui souhaite amener les partis à comprendre les besoins de chacun.
Après avoir collaboré depuis près de 30 ans à la mise au point de technologies de l’espace, les organisations gouvernementales canadienne et russe, mais surtout leurs entreprises, sont invitées à créer des partenariats dans le secteur de l’aéronautique. Une opération difficile, freinée notamment par l’avènement de la Russie dans le marché des petits et moyens porteurs.
En effet, avec le Superjet-100 de Sukhoi et l’avènement prochain du MS-21 d’Irkut, les sociétés russes s’attaquent directement au marché des biréacteurs régionaux de Bombardier.
«Ça complique un peu la collaboration entre les deux pays», indique Sébastien Dakin, qui souligne aussi l’existence de lois qui limitent les possibilités de collaborations russo-canadiennes.
«Plusieurs entreprises canadiennes ont des contrats avec l’industrie militaire américaine, et ceux-ci ont des lois très strictes qui empêchent la collaboration avec les Russes pour éviter le transfert de technologies qui soit à leur désavantage», ajoute-t-il.
Ces conditions privent certaines entreprises canadiennes d’un marché en plein essor, selon Viren Joshi, gestionnaire de comptes stratégiques chez Exportation et développement Canada.
«Tous les pays développés ou en développement dans lesquels l’industrie aérospatiale n’avait pas fait une incursion sont en croissance, explique-t-il. La Russie n’est pas une exception.»
Selon lui, les secteurs de l’aviation et de l’hélicoptère sont particulièrement en croissance là-bas.
Une approche différente
Malgré les freins judiciaires et une confiance qui reste à bâtir, certaines entreprises canadiennes de l’industrie de l’aéronautique font déjà des affaires au pays des tsars. L’une d’elles, Marinvent, y a mis le pied dès 1993, un peu plus d’un an après la chute de l’Union soviétique.
Spécialisée, entre autres, dans la conception de systèmes de vol et offrant des services d’essai en vol, l’entreprise de Saint-Bruno-de-Montarville a acquis une expertise dans la certification des aéronefs aux normes nord-américaines. Un atout précieux pour certains constructeurs russes qui souhaitent permettre à leurs produits de voler partout sur la planète.
Selon Phil Cole, vice-président au développement des affaires chez Marinvent, on ne travaille pas avec les Russes comme on travaille avec les Français, les Allemands ou les Anglais. «Les relations avec les Russes ont tendance à être plus personnelles plutôt que strictement d’affaires, explique-t-il. Une fois que la relation est bonne, que vous avez rencontré les personnes-clés, que les poignées de main se sont faites et que vous avez établi un dialogue avec eux, ça peut prendre plusieurs mois et peut-être une année ou deux avant de sceller une entente avec des dollars qui y sont rattachés. Il faut donc investir beaucoup de temps pour bâtir ce type de relation en Russie.»
Il ajoute qu’il est essentiel d’avoir une personne ressource postée en sol russe. Aussi doit-on s’attendre à s’adapter aux besoins de ses partenaires d’affaires en traduisant toute la correspondance. Un geste de courtoisie grandement apprécié des Russes.